Fermeture du tunnel du mont Royal

La Caisse a mis Laval devant le fait accompli

La Ville de Laval n’a jamais été prévenue par la Caisse de dépôt de la fermeture du tunnel du mont Royal. Le maire en poste au moment de l’annonce, Marc Demers, a appris la nouvelle dans les journaux, s’en est-il indigné dans une lettre envoyée au patron de l’époque de CDPQ Infra, promoteur du Réseau express métropolitain (REM).

La Presse vient d’obtenir une copie de la lettre en vertu de la loi d’accès à l’information après deux ans et demi de démarches qui ont nécessité l’intervention de la Commission d’accès à l’information.

« La Ville de Laval déplore les difficultés de communication observées tout récemment lors de l’annonce de la fermeture du service sur la ligne de Deux-Montagnes », a écrit M. Demers à Macky Tall, qui était premier vice-président infrastructures de la Caisse de dépôt. « Nos citoyens ont été mis devant le fait accompli et, de surcroît, par les médias », a-t-il déploré dans sa lettre datée du 5 avril 2018, qui n’avait jamais été rendue publique.

« Au nom de tous ses citoyens, la Ville de Laval souhaite une réponse rapide et précise de la part de CDPQ Infra sur cet enjeu de fermeture totale ou partielle du service de train de banlieue sur la ligne de Deux-Montagnes durant une longue période », a poursuivi le maire, visiblement irrité.

La façon de procéder de la Caisse de dépôt avec les élus locaux et la population dans le cas du REM de l’Ouest mérite de sortir de l’ombre, croient des experts en matière de planification des transports collectifs, puisque l’institution travaille à faire accepter une nouvelle version de son projet, cette fois dans l’est de la métropole.

« C’est toujours d’actualité, parce que c’est une démonstration symptomatique du problème de gouvernance où le gouvernement délègue la réalisation des études et du projet à une entité qui n’a pas de comptes à rendre aux municipalités et arrondissements traversés par le réseau de transport. »

– Pierre Barrieau, expert en planification des transports à l’Université de Montréal

« L’absence de transparence qu’on avait sur le REM de l’Ouest est toujours partiellement présente dans le REM de l’Est, poursuit-il. Ce qu’on voit dans cette lettre, c’est quelque chose que l’on entend de la part des partenaires du REM de l’Est qui vont avoir le même type d’inquiétudes. »

Rappelons qu’avant sa fermeture causée par le REM, le train de Deux-Montagnes transportait 7500 personnes en pointe le matin.

« Dans le dossier du REM de l’Ouest, plusieurs irritants se sont produits qui vont à l’encontre des bonnes pratiques en matière d’éthique, de transparence et de bonne gouvernance, avance Michel Archambault, professeur émérite de tourisme à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et expert en planification des transports. Il y a des leçons à tirer pour les parties prenantes sur les façons de faire qui doivent être modifiées dans l’avenir pour le REM de l’Est. »

La Ville de Laval, à l’instar des autres villes et arrondissements traversés par le REM de l’Ouest, a signé une entente de confidentialité avec CDPQ Infra. « Il a été mentionné plusieurs fois que ces ententes étaient bien trop restrictives dans une gouvernance de démocratie, indique Pierre Barrieau. Ç’a complètement muselé les maires. »

Dans le présent cas, la Ville de Laval s’est opposée pendant près de 30 mois à la diffusion de la lettre du maire, soutenant que sa divulgation allait entraver ses négociations avec CDPQ Infra.

« Aucun élément de la preuve présentée ne permet de conclure que sa divulgation aurait pour effet d’entraver une négociation en cours avec la Ville », a tranché la commissaire Martine Riendeau dans sa décision rendue le mois dernier.

Un article qui fait du bruit à l’hôtel de ville

La lettre du maire Marc Demers fait référence à un article du journaliste Bruno Bisson de La Presse daté du 27 mars 2018, qui évoquait pour la première fois publiquement la fermeture du tunnel.

Jusqu’alors, la Caisse soutenait que le train de Deux-Montagnes continuerait de rouler pendant la majeure partie des travaux dans le tunnel.

Cet article de La Presse a provoqué un branle-bas de combat à la Caisse de dépôt et à la Ville de Laval.

La veille, la directrice des affaires publiques de CDPQ Infra, Virginie Cousineau, avait envoyé un courriel peu avant 20 h au bureau du maire l’avertissant de la parution de l’article de lendemain.

« Je te remercie d’avoir pris le temps d’informer MLM [Monsieur le Maire] lundi soir, malgré l’heure tardive », lui a répondu le lendemain Denis Malo, chef de division aux communications, dans un échange de courriels. « Les Lavallois se posent plusieurs questions et nos élus devront pouvoir fournir des réponses très rapidement », lui a-t-il écrit en lui demandant de fournir un argumentaire.

Ici encore, La Presse a dû demander l’intervention du tribunal administratif pour obtenir une version moins caviardée des réponses préparées par CDPQ aux questions des Lavallois.

Parmi ses questions, la Ville a demandé sans succès à CDPQ Infra quand elle prévoyait la fermeture complète du tunnel et pendant combien de temps.

Sa fermeture pour le début de 2020 a été confirmée deux semaines plus tard dans un nouvel article de notre collègue Bruno Bisson. Le jour J a par la suite été reporté au 30 mars 2020, devant le tollé des usagers du train de Deux-Montagnes. Le dernier départ a eu lieu le 11 mai 2020, en pleine pandémie.

Au bureau du maire, les évènements de la fin de mars 2018 ont laissé des marques. « Les éléments communs à tous les sujets abordés par la présente expriment tous le même besoin fondamental : la communication d’une information précise au moment opportun et le dialogue entre les parties prenantes. La Ville de Laval vous convie à un tel exercice, convaincue que c’est un passage minimalement nécessaire pour la réussite de votre projet de REM », a conclu le maire dans sa missive.

– Avec la collaboration de William Leclerc, La Presse


EN SAVOIR PLUS

Réouverture prévue du tunnel du mont Royal
Prévue pour le printemps 2022, l’ouverture du tunnel, situé entre Du Ruisseau et la gare Centrale, ira à l’automne 2023.

Source: source : CDPQ infra

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